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Ruptures conventionnelles : les raisons de leur succès

poignéedemains4Depuis le début de l’année 2016, le nombre de ruptures conventionnelles a systématiquement dépassé les 30.000 chaque mois.

En juin 2016, on estime à 33 500 le nombre de ruptures conventionnelles homologuées relatives à des salariés non protégés (chiffre corrigé des variations saisonnières). La baisse marquée observée entre mai et juin (-6,1 %) constitue une correction partielle après la hausse exceptionnelle du mois dernier (+12,6 %).

En tendance, les ruptures conventionnelles progressent nettement entre le premier et le deuxième trimestre 2016 (+5,1 %). Cette croissance est continue depuis début 2015 (+19,0 % entre janvier 2015 et juin 2016), après une quasi-stagnation entre mi-2012 et fin 2014.

Source : Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES)

Ainsi, en fin d’année 2016, le cap des 400 000 ruptures dans l’année devrait être atteint.

En 2015, 358.380 ruptures conventionnelles avaient été signées, selon la DARES, ce qui représentait déjà un record.
En octobre 2015, le cap des deux millions de rupture conventionnelles depuis la création de ce mode de rupture en 2008 avait été franchi (voir l’article publié sur le Blog pratique du droit du travail).
  • Quelles sont les raisons d’un tel succès ?

La rupture conventionnelle est un mode de rupture relativement simple à mettre en œuvre. Il suffit que le salarié et l’employeur soient d’accord sur le principe de la rupture, qu’ils en conviennent lors d’un entretien et qu’ils régularisent un formulaire de demande de rupture conventionnelle. Passé les délais de réflexion (« délai de rétractation » ) et le délai d’instruction de la demande de rupture par la Direction du travail (DIRECCTE), une fois la demande validée par l’administration, le contrat peut être rompu.

Aucun préavis n’est dû par le salarié, qui perçoit une indemnité de rupture au moins équivalente à celle de l’indemnité de licenciement, outre son solde de tout compte comprenant les congés payés et RTT acquis et non pris.

Contrairement à la démission qui n’ouvre pas droit aux indemnités de chômage, sauf démissions « légitimes »,  la rupture conventionnelle permet au salarié qui n’a pas retrouvé d’emploi de percevoir l’allocation de retour à l’emploi s’il remplit les conditions d’affiliation pour une ouverture de droits.

C’est là, outre la relative souplesse de sa mise en œuvre, la raison principale de son succès.

Une enquête réalisée en 2012 par la DARES  auprès de 4 502 salariés signataires d’une rupture conventionnelle montre l’ambivalence de ces derniers quant à leur consentement à rompre. Elle permet de comprendre ce qui conduit un salarié à abandonner un emploi à durée indéterminée pour entrer dans un régime d’indemnisation du chômage, et un employeur à accorder une rupture de ce type à un salarié qui veut démissionner.

« La rupture conventionnelle est tout d’abord un outil de sécurisation, pour le salarié comme pour l’employeur. La sécurisation n’aura cependant pas, selon les parties, la même signification. Pour le salarié, une rupture conventionnelle remplace avantageusement une démission car elle donne droit aux allocations-chômage, c’est-à-dire un filet de sécurité essentiel pour le salarié. La rupture conventionnelle -démission sera donc plus utile, et plus tentante pour un salarié n’ayant pas de solution professionnelle immédiate. À l’inverse, le salarié sûr de retrouver vite un emploi ne pourra être tenté par ce dispositif qu’en raison de la dispense de préavis.

Pour l’employeur, la rupture conventionnelle remplace avantageusement les licenciements, car elle dispense de donner des motifs à la rupture, et réduit donc le risque de contentieux. La rupture conventionnelle trouve ici une voie pour échapper, en grande partie, aux litiges portant sur le motif de la rupture. L’utilité de la rupture conventionnelle-licenciement économique est moins évidente, pour deux raisons. Tout d’abord, les licenciements économiques sont moins contentieux. Le risque juridique de saisine du Conseil de prud’hommes par le salarié est donc moins grand. La rupture conventionnelle-licenciement économique ne pourrait être intéressante pour l’employeur que si elle permettait d’éviter la procédure de « grands » licenciements économiques
collectifs (dix salariés et plus sur une même période de trente jours) et ainsi de se dispenser de la procédure afférente, et notamment la mise en place unilatérale ou négociée d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Cependant, cette utilisation de la rupture conventionnelle est prohibée par la jurisprudence et peut constituer un risque juridique majeur pour l’employeur qui se risquerait à une telle utilisation. Le score, somme toute assez faible de rupture conventionnelle-licenciement économique semble montrer les hésitations de l’employeur face à ce dispositif. En outre, il existe d’autres dispositifs en droit permettant une alternative aux licenciements économiques (activité partielle, modification du contrat de travail pour motif économique, plan de départ volontaire, etc.) ».

Source:  Le consentement du salarié à la rupture conventionnelle, entre initiative, adhésion et résignation – décembre 2015 – CEE

  • La rupture conventionnelle résulte-t-elle réellement d’une acceptation commune employeur – salarié  ?

Selon une étude du Centre d’études de l’emploi parue en mai 2015, «  la facilité de
séparation permise par la loi de 2008, autant pour les employeurs que pour les salariés, semble dissimuler des problèmes inhérents à la relation d’emploi : mésentente, voire conflit, insatisfaction des conditions de travail, etc., qui ne sont pas réglés à l’intérieur
des entreprises.« 

L’étude précise que « selon l’enquête de la Dares effectuée auprès de salariés ayant signé une rupture conventionnelle entre avril et juillet 2011 (Bourieau, 2013), la mise en œuvre du dispositif serait considérée comme résultant d’une « acceptation commune », pour reprendre les termes du questionnaire, par 48 % des enquêtés, alors qu’elle serait « plutôt un choix des salariés » pour 38 % d’entre eux, et un « choix de l’employeur » pour 14 %. Toutefois, 29 % des salariés estiment qu’en définitive ils ont été contraints par leur   employeur à quitter l’établissement, ce qui est bien supérieur aux 14 % indiqués précédemment. Selon une autre étude qualitative étudiant 101 procédures de rupture conventionnelle (Dalmasso et al., 2012), celle-ci serait, dans 56 % des cas, à l’initiative principale du salarié, et dans 44 % des cas, à l’initiative de l’employeur.

Si ces statistiques laissent penser que la rupture conventionnelle résulte plutôt d’un choix des salariés, ce dernier reste ambigu. Ainsi, Dalmasso et al. (2012) montrent que, lorsque ce mode de séparation est à l’initiative des salariés (56 %), les raisons du départ sont de nature conflictuelle dans plus de la moitié des cas. Une autre étude confirme, du point de vue du salarié, que la rupture conventionnelle peut être due à une insatisfaction liée
à l’emploi ou aux relations de travail, plutôt qu’à un véritable projet professionnel ou à une opportunité d’emploi future (Bourieau, 2013) ».

Source: Connaissance de l’emploi » – mai 2015 – Centre d’études de l’emploi

  • La rupture conventionnelle est-elle utilisée pour faire financer des préretraites par l’assurance chômage ?

Les organisations syndicales FO et CGT dénoncent régulièrement l’utilisation qui est faite par les employeurs de la rupture conventionnelle notamment à l’égard des seniors, pour  les inciter à rompre leur contrat de travail lorsqu’ils sont proches de la retraite.

La rupture conventionnelle serait utilisée comme un système de préretraite, dont le coût serait in fine à la charge de l’assurance chômage,

Cette situation a d’ailleurs été pointée du doigt en avril 2011 par un député à l’occasion d’une question au Gouvernement (voir l’article publié sur le Blog pratique du droit du travail : « Une rupture conventionnelle sur six concerne un senior« ).

Pour mettre fin à cette situation et favoriser le maintien dans l’emploi des seniors, un accord AGIRC ARRCO  du 30 octobre 2015 avait prévu que serait proposée,  lors de la prochaine négociation relative à l’assurance chômage, la mise en place à la charge de l’employeur d’une contribution aux régimes Agirc et Arrco assise sur le montant des transactions accordées suite à la rupture du contrat de travail, et en fonction d’un âge minimal. Mais les dernières négociations sur l’assurance chômage ayant échoué, cette cotisation n’a finalement pas été instaurée.

L’auteure de cet article

Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.

Si vous souhaitez une réponse documentée ou un conseil, vous pouvez demander une consultation en ligne avec Maître Lailler ici.

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