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Que risque le salarié qui part en congés payés sans autorisation de l’employeur ?

Il s’expose à des sanctions, excepté si l’employeur a agi de manière fautive, par exemple en ne répondant pas à sa demande de congés, ou en ne respectant pas les règles d’information des salariés.

En effet, en matière de congés payés, l’employeur doit obligatoirement respecter les règles suivantes :

1) Informer les salariés de la période de prise des congés au moins deux mois avant l’ouverture de celle-ci (article D3141-5 du code du travail); cette période est fixée par les conventions ou accords collectifs de travail. Elle comprend obligatoirement la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année. A défaut de convention ou accord collectif de travail, cette période est fixée par l’employeur en se référant aux usages et après consultation des délégués du personnel et du comité d’entreprise (article L3141-13 du code du travail).

Le défaut de consultation des représentants du personnel est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe (1 500 euros – L131-13 du code pénal), prononcée autant de fois qu’il y a de salariés concernés par l’infraction (article R3143-1 du code du travail); ce défaut de consultation ne constitue pas en revanche un délit d’entrave (Cass. crim. 6 février 1990; 22 février 1983).

Ainsi, lorsque par exemple l’employeur a fixé la période de prise des congés du 1er mai au 31 octobre, il doit en informer les salariés au plus tard le 1er mars.

Le plus souvent, les employeurs fixent, comme période de prise des congés, la période qui sert de de référence pour le calcul des congés payés, c’est-à-dire du 1er juin au 31 mai . En ce cas, l’employeur doit informer les salariés de la période de prise des congés au moins deux mois avant, soit au plus tard le 1er avril.

2) Fixer l’ordre des départs en congés, conformément aux dispositions de l’article L3141-14 du code du travail:

« A l’intérieur de la période des congés et à moins que l’ordre des départs ne résulte des stipulations des conventions ou accords collectifs de travail ou des usages, cet ordre est fixé par l’employeur après avis, le cas échéant, des délégués du personnel.Pour fixer l’ordre des départs, l’employeur tient compte :

1° De la situation de famille des bénéficiaires, notamment des possibilités de congé, dans le secteur privé ou la fonction publique, du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;

2° De la durée de leurs services chez l’employeur ;

3° Le cas échéant, de leur activité chez un ou plusieurs autres employeurs ».

Les conjoints et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans une même entreprise ont droit à un congé simultané (article L3141-15).

En revanche, il  été précisé qu’on ne pouvait pas tenir compte de la situation de conjoints employés dans des entreprises différentes et souhaitant prendre leurs congés en même temps (Rép. min. n°35213 – Journal Officiel du Sénat –  23 octobre 1980, p.4005).

Quand bien même une convention collective prévoit que « l’employeur doit tenir compte du congé du conjoint pour arrêter ses décisions »,  de telles dispositions  n’imposent pas à l’employeur de chacun des époux de calquer la date des congés sur ceux du conjoint, si l’activité de l’entreprise ne peut s’en accommoder (Cass. soc. 19 juin 1997 n°94-44997).

3) Communiquer l’ordre des départs en congés à chaque salarié au moins un mois avant son départ et l’afficher dans les locaux normalement accessibles aux salariés (article D3141-6 du code du travail).

Cette communication peut se faire par affichage dans les locaux ou bien au moyen de plannings tenus à la disposition des salariés.

Ce délai de prévenance est impératif et l’employeur ne peut pas s’en exonérer en invoquant des circonstances exceptionnelles.

Ainsi, lorsque l’employeur a fixé le départ en congés d’un salarié au 1er juillet, il doit l’en informer au plus tard le 1er juin.

4) Une fois que l’ordre des départs et les dates de congés ont été fixés, l’employeur ne peut pas les modifier dans le délai d’un mois avant la date prévue du départ, sauf en cas de circonstances exceptionnelles (article L3141-16 du code du travail).

  • Quelles sont les circonstances exceptionnelles qui peuvent être invoquées par l’employeur ?

Une société en graves difficultés financières, tenue de déposer un plan d’apurement du passif auprès du tribunal de commerce dans un certain délai, peut invoquer cette circonstance exceptionnelle pour demander à tout le personnel d’encadrement comptable et administratif, de ne partir en congé qu’après achèvement du travail nécessaire à l’élaboration du plan d’apurement exigé. Dès lors, la société était fondé à licencier pour faute grave une salariée protégée qui était partie en congé annuel sans avoir arrêté les écritures dont elle avait la charge et avait refusé de reprendre le travail malgré l’injonction qui lui avait été adressée  (Conseil d’Etat 6/2SSR, 11 février 1991 n°68058).

De même que l’entreprise mise en redressement judiciaire (Cour d’appel de Toulouse 12 juillet 1996 n°95-1093) ou celle qui reçoit une commande importante, inattendue et de nature à permettre sa survie (Cour d’appel de Chambéry 12 décembre 1985 n° 84-253 à 84-256)?

La nécessité de remplacer un salarié brutalement décédé est une circonstance exceptionnelle justifiant une demande de report des congés; le refus opposé par le salarié d’accepter cette demande justifie son licenciement pour faute grave (Cass. soc. 15 mai 2008 n°06-44354).

  • Attention: il ne faut pas confondre le délai pour fixer les congés (un mois impérativement; aucune circonstance ne permettant de s’exonérer de ce délai) et le délai pour modifier les congés déjà fixés (un mois pouvant être réduit en cas de circonstances exceptionnelles).

C’est ce qu’a jugé la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim. 21 novembre 1995 n°94-81791).

Dans cette affaire, à la suite d’incidents techniques affectant le fonctionnement d’un haut-fourneau, l’employeur avait décidé la mise d’office en congés payés de 94 salariés de l’entreprise, pour une durée variant de 1 à 3 jours, sans respecter le délai de prévenance d’un mois.

L’employeur était poursuivi pénalement pour infraction à l’article 223-7 du code du travail [devenu l’article L3141-16] , réprimée par l’article R262-6 du code du travail [ devenu l’article R3143-1 du code du travail], qui punit cette infraction de l’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe, d’un montant de 1500 euros(L131-13 du code pénal), prononcée autant de fois qu’il y a de salariés concernés par l’infraction .

Le tribunal de police avait relaxé l’employeur, au motif que l’incident technique survenu dans l’entreprise constituait une circonstance exceptionnelle justifiant, en application de l’article L223-7 [devenu l’article L3141-16], que l’employeur ne respecte pas le délai d’un mois avant la date prévue pour les congés.

La cour d’appel infirmait ce jugement : selon elle, le litige portait sur la fixation des congés et non sur la modification de congés déjà déterminés; or les circonstances exceptionnelles visées à l’article L. 223-7, alinéa 3, du Code du travail [devenu l’article L3141-16] ne concernent que la modification des dates de départ en congés déjà fixées. Dès lors, l’employeur ne pouvait se prévaloir de ce texte pour justifier la brusque mise en congé des salariés.

  • Que se passe-t-il si l’employeur modifie les dates de congés moins d’un mois avant le départ, sans justifier de circonstances exceptionnelles ?

L’employeur n’est pas en droit de sanctionner un salarié qui part aux dates initialement fixées (Cass. soc. 3 juin 1998 n°96-41700).

Dans cette affaire, la société avait informé les salariés le 17 juin qu’ils auraient la possibilité de partir en congés à compter du 1er septembre ; puis, dans une nouvelle note du 27 août, elle leur indiquait qu’ils ne pourraient bénéficier de congés en septembre.

Une salariée était toutefois partie en congés à compter du 1er septembre et avait été licenciée pour faute grave au motif qu’elle était absente sans justification depuis le 1er septembre.

Elle avait contesté son licenciement et obtenu gain de cause.

Les juges avaient en effet constaté que la société n’avait pas dressé de planning des congés et avait modifié la date des départs moins d’un mois avant la date qui avait été prévue, sans justifier de circonstances exceptionnelles. Dès lors, le départ en congés de la salariée à la date initialement fixée, sans autorisation écrite de l’employeur, ne constituait pas une faute.

De la même manière, dans une affaire où un salarié, en accord avec son employeur, avait fixé ses congés annuels durant la période mai-juin ; cet accord avait été remis en question, sans motif valable, par la société le 19 avril, moins d’un mois avant le départ du salarié prévu le 10 mai (Cass. soc. 30 mai 1990 n°87-42605).

En revanche, lorsque l’employeur modifie les congés payés plus d’un mois avant la date de départ prévue, le salarié ne peut en principe s’y opposer, sauf motifs impérieux (Cass. soc. 13 juillet 1989 n°86-43310). Dans cette affaire, l’employeur s’était trouvé devant des nécessités impératives de livraison de vêtements avant la fin de l’année et avait fait connaître à la salariée, deux mois avant son départ, que ses congés seraient retardés. Celle-ci avait enfreint l’interdiction qui lui était faite de partir en vacances sans invoquer de motifs impérieux lui interdisant de modifier la date de son départ. Les juges ont considéré que son licenciement pour faute grave était justifié.

  • Que se passe-t-il si l’employeur impose des dates de congés au salarié sans respecter le délai de prévenance d’un mois ?

L’employeur peut être condamné à verser au salarié des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par celui-ci (Cour d’appel de Paris, 22ème chambre, section A. 18 mars 2009 n°S 07/03748, Tommelleri c/RATP).

En cas d’abus de l’employeur dans la fixation des congés payés, le salarié a droit à la réparation de son préjudice;  en revanche, il ne peut pas demander le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés dès lors qu’il a perçu une rémunération pendant ses congés. C’est ce qui été jugé dans une affaire où le salarié, dont le contrat à durée déterminée de 18 mois se terminait le 25 mai, avait été mis en congés payés avec un délai de prévenance de seulement 7 jours, pour une durée totale de plus d’un mois débutant le 15 avril, jusqu’à la fin de son contrat (Cass. Soc. 4 janvier 2000 n°97-41-374).

  • Que se passe-t-il si le salarié part en congés sans autorisation de l’employeur ?

Tout dépend des circonstances.

Si le salarié part en congés malgré le refus de son employeur, il s’expose à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

Mais si l’employeur fait connaître tardivement son refus, il commet alors une faute qui exonère le salarié de la faute qu’il a lui-même commise en partant en congé sans autorisation.

==> Ainsi, dans une affaire où un salarié avait manifesté son désir de prendre des congés pour suivre une cure thermale et n’avait eu connaissance du refus de l’employeur que la veille de son départ, à une date ne lui permettant plus de renoncer à la cure prescrite, il a été jugé qu’en raison de la légèreté blâmable dont avait fait preuve l’employeur en lui notifiant un refus tardif , l’absence qui était reprochée au salarié n’était pas fautive et son licenciement ne procédait pas d’une cause réelle et sérieuse(Cass. soc. 23 janvier 2002 n°99-46143).

==> Dans une deuxième affaire, le salarié avait été autorisé à prendre ses congés pendant une période (en l’espèce, du 3 au 14 avril), et avait par ailleurs écrit à plusieurs reprises à l’employeur pour lui demander de prendre le solde de ses congés (en l’espèce, trois semaines en juillet) sans recevoir aucune réponse à ses courriers, le salarié avait alors décidé, malgré tout, de partir en congés sans avertir l’employeur.
Il a été jugé que l’absence non déclarée du salarié ne caractérisait pas une faute grave compte tenu de la propre défaillance de l’employeur dans l’organisation des congés payés; en effet, l’employeur n’avait apporté aucune réponse au salarié et il n’avait pas respecté ses obligations légales en n’informant pas le salariés de la période de prise des congés au moins deux mois avant l’ouverture de celle-ci, et en ne l’informant pas non plus de l’ordre qu’il avait fixé pour les départs en congés un mois avant leur début.
Les juges ont toutefois considéré que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse car le salarié n’avait pas averti l’employeur de son intention de partir en congés le 2 juillet mais l’avait uniquement informé, par courrier, des dates de congés qu’il souhaitait prendre (Cass. soc. 11 juillet 2007 n°06-41706).

==> Dans une troisième affaire, une salariée avait fait connaître à l’employeur son souhait de départ en congé selon la procédure habituelle appliquée dans l’entreprise ;  l’employeur ne lui avait alors pas notifié son refus ; il ne lui avait fait connaître verbalement son refus qu’une semaine avant la date prévue pour son départ. Les juges ont décidé que le départ de la salariée sans autorisation n’avait pas un caractère fautif  et que son licenciement pour faute grave fondé sur un abandon de poste était dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 20 octobre 2011 n°10-16749).

==> Il n’y a pas non plus de faute d’une salariée partie en congés lorsque l’employeur, qui connaissait depuis mi-septembre la demande de congés de celle-ci pour la période d’avril-mai, a laissé la salariée, fondée à croire tacitement acceptée cette demande déposée depuis de longs mois, prendre d’importantes dispositions pour passer en Corse les congés sollicités, avant de décider seulement 7 jours avant son départ, de réduire sa période de congés.
La cour de cassation a jugé que la décision de l’employeur, tardive et non justifiée par de réelles nécessités de service avait été prise avec une légèreté blâmable constitutive d’un abus de droit (Cass. soc. 12 février 1987 n°83-44828).

  • Que se passe-t-il lorsque l’employeur ne répond pas aux demandes de congés du salarié ?

==> Dans un arrêt rendu le 11 octobre 2000, la cour de cassation a jugé  que  le salarié n’avait pas commis de faute en partant en congés dès lors que l’employeur qui avait eu connaissance des dates de congé du salarié et n’avait formulé aucun refus; en conséquence la prise de congé ne constituait pas un abandon de poste (Cass. soc. 11 octobre 2000 n°98-42540).

==> De même, si le salarié a demandé l’autorisation de partir en congés sans recevoir aucune réponse de son employeur, les juges considèrent qu’il a pu penser, en toute bonne foi, que sa demande était acceptée. Dès lors, le salarié n’a pas commis de faute et son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 14 novembre 2001 n°99-43454).

5) l’employeur doit enfin s’assurer que le salarié est bien parti en congé.

Selon la Cour de cassation,  » il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement » (Cass. soc. 13 juin 2012 n°11-10929).

Le salarié privé de congés annuels peut ainsi demander la réparation de son préjudice même si l’employeur lui a versé une indemnité au titre des congés payés. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation en visant la Directive 2033/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

L’article 7.2  de la directive précise en effet que « la période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail » (l’article 7.1 précisant que cette période minimale de congé annuel payé doit être être d’au moins quatre semaines ».

La solution rendue est importante au regard de la charge de la preuve: Le salarié n’a pas à prouver qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés du fait de l’employeur; c’est au contraire à l’employeur de prouver qu’il a pris les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé.

La solution est également importante en ce qu’elle affirme que l’employeur ne peut pas  remplacer la prise effective des congés par le versement d’une indemnité compensatrice. Dans cette hypothèse, le salarié peut prétendre à une réparation du préjudice subi du fait de la privation de congés, même si l’employeur lui a versé une indemnité compensatrice.

 

 

 

L’auteure de cet article

Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.

Si vous souhaitez une réponse documentée ou un conseil, vous pouvez demander une consultation en ligne avec Maître Lailler ici.

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