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Rupture conventionnelle et droit individuel à la formation: quels droits pour le salarié ?

chômage2Quelle est la problématique ?

Il s’agit de savoir si le salarié qui rompt son contrat dans le cadre d’une rupture conventionnelle peut demander à son employeur de prendre en charge financièrement une formation, un bilan de compétences ou une validation des acquis de l’expérience (VAE) ?

On sait que cela est possible en cas de licenciement ou de démission : la règle est énoncée par l’article  L6323-17 du code du travail :

« En cas de licenciement non consécutif à une faute lourde, et si le salarié en fait la demande avant la fin du préavis, la somme correspondant au solde du nombre d’heures acquises au titre du droit individuel à la formation et non utilisées, multiplié par le montant forfaitaire visé au deuxième alinéa de l’article L. 6332-14, permet de financer tout ou partie d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation. A défaut d’une telle demande, la somme n’est pas due par l’employeur.

Lorsque l’action mentionnée au premier alinéa est réalisée pendant l’exercice du préavis, elle se déroule pendant le temps de travail.

En cas de démission, le salarié peut demander à bénéficier de son droit individuel à la formation sous réserve que l’action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation soit engagée avant la fin du préavis ».

  • En pratique, comment cela se passe-t-il lorsque le salarié licencié ou démissionnaire fait une demande de formation au titre du DIF pendant son préavis ?

L’employeur qui accepte de prendre en charge la formation (notamment parce qu’elle fait partie du plan de formation de l’entreprise) va devoir verser une somme égale au nombre d’heures acquises par le salarié au titre du DIF, multipliée par une somme qui est, actuellement de 9,15 euros.

Par exemple, si le salarié a acquis 120 heures au titre du DIF (c’est le maximum), l’employeur devra verser 120 x 9,15 €, soit 1098,00 euros.

A qui ?

Certaines entreprises versent cette somme directement au salarié, mais ce n’est pas ce que prévoit le texte. C’est donc une situation rare.

Le plus souvent, la somme est versée à l’organisme en charge de la mise en œuvre de l’action de formation choisi par le salarié.

  • Qu’en est-il lorsque le salarié est en cours de rupture conventionnelle ? Peut-il faire une demande de formation au titre du DIF alors que la rupture conventionnelle ne prévoit aucun préavis ?

L’article L6323-17 n’évoque en effet que la situation du licenciement et de la démission et précise que si le salarié ne demande pas à bénéficier d’une action de formation pendant le préavis, alors l’employeur ne doit aucune somme à ce titre.

La demande du salarié  doit donc impérativement intervenir pendant le préavis.

Or la rupture conventionnelle décrite aux articles L1237-11 et suivants du code du travail ne prévoit pas de préavis (même si on peut toujours en prévoir un d’un commun accord).

Le gouvernement avait été interrogé en 2011 sur une situation qui, comme la rupture conventionnelle, pose problème:  celle des salariés licenciés pour faute grave car dans ce cas, il n’y a pas de préavis, la faute grave étant définie en jurisprudence comme celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée restreinte du préavis.

La députée UMP Madame Arlette Grosskost avait interrogé le gouvernement sur la situation de ces salariés dont le contrat est rompu sans préavis et qui se trouvent alors dans l’impossibilité de faire connaître leur demande de formation dans les conditions prévues à l’article L. 6323-17, alors même qu’il peuvent bénéficier du DIF.

Le ministre avait alors répondu qu’il convenait de faire droit à la demande du salarié dès lors qu’elle est effectuée pendant une période égale à celle du préavis qui aurait été applicable s’il n’avait pas été licencié pour faute grave.

(Réponse ministérielle n°68695 – Journal officiel de l’assemblée nationale Q 1er février 2011, page 1068).

On pourrait raisonner par analogie pour la rupture conventionnelle : il conviendrait alors de faire droit à la demande du salarié au titre de son droit à la formation, dès lors que celle-ci aurait été présentée pendant une période égale à celle du préavis qui aurait été applicable s’il n’y avait pas eu rupture conventionnelle mais démission ou licenciement.

A ma connaissance, il n’y a pas encore eu de décision de la Cour de cassation sur ce point.

Quelques Cours d’appel ont rendu des décisions sur les obligations d’information de l’employeur en matière de DIF, dont la Cour d’appel de RIOM en janvier 2012.

Un salarié estimait que l’information sur ses droits à DIF ne lui avait pas été donnée par son employeur et  il sollicitait des dommages-intérêts.

La Cour rappelle tout d’abord que l’article L. 6323-17 du Code du travail oblige l’employeur qui licencie un salarié à informer celui-ci de ses droits en matière de droit individuel à la formation (DIF) et notamment de la possibilité de demander, avant la fin de son préavis, à bénéficier d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation. Cette information est donnée dans la lettre de licenciement.

La Cour d’appel précise ensuite que la rupture conventionnelle du contrat de travail n’entraînait pas la perte des droits du salarié en matière de droit individuel à la formation, l’employeur a l’obligation, dans le cadre de la rupture conventionnelle, d’indiquer au salarié ses droits en la matière.

Puis elle constate que la convention de rupture conventionnelle mentionne que le salarié dispose d’un crédit de 29 heures au titre du DIF et qu’il pourra bénéficier d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation.

Il s’ensuit, précise la Cour, que l’information à la charge de l’employeur avait bien été donnée et que le salarié n’était pas fondé à solliciter des dommages-intérêts en se prévalant d’un défaut d’information (Source : Cour d’appel de Riom, Chambre civile 4, 3 Janvier 2012 N° 10/02152).

Rappelons que :

–          le salarié qui rompt son contrat dans le cadre d’une rupture conventionnelle bénéficie de la portabilité du DIF, c’est-à-dire qu’il conserve ses droits à DIF après la cessation de son contrat de travail et peut utiliser les heures acquises au titre du DIF et qu’il n’a pas utilisées, soit pendant sa période de chômage, soit auprès de son nouvel employeur au cours des deux années qui suivent son embauche (article L6323-18 du code du travail) ;

–          le certificat de travail doit mentionner : le solde du nombre d’heures acquises au titre du DIF et non utilisés ; la somme correspondant à ce solde (X heures x 9,15 euros) ; le nom et les coordonnées de l’OPCA compétent dont relève l’entreprise, lequel sera amené à verser cette somme pour financer une action de formation (articles L6323-21 et D1234-6).

Ce qu’il faut retenir : dans le cadre de la rupture conventionnelle, l’employeur a l’obligation d’indiquer au salarié ses droits en la matière dans la convention.

S’il ne le fait pas, il s’expose à devoir verser au salarié des dommages-intérêts pour défaut d’information.

Conseil pratique : il est fortement recommandé d’évoquer le problème du DIF dans les entretiens préalables et de mentionner dans la convention de rupture conventionnelle les droits du salarié en la matière : nombre d’heures acquises au titre du DIF ; information sur le fait que le salarié pourra bénéficier d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation, sous réserve d’en faire la demande avant le terme du contrat.

L’auteure de cet article

Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.

Si vous souhaitez une réponse documentée ou un conseil, vous pouvez demander une consultation en ligne avec Maître Lailler ici.

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