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Rupture conventionnelle : peut-on faire jouer son assurance perte d’emploi ?

ruptureconventionnelle

Tout dépend de la clause prévue au contrat d’assurance.

Le plus souvent, les assurances perte d’emploi ne s’appliquent pas dans le cas d’une rupture conventionnelle.

En effet, les assurances garantissent la perte involontaire d’emploi par le salarié, par exemple en cas de licenciement par l’employeur.
Or la rupture conventionnelle est une rupture voulue par l’employeur et le salarié.

L’article L1237-11 du code du travail créé par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail précise en effet:

L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.

Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

  • Dans un arrêt rendu le 8 novembre 2011 par la Cour d’appel de Nîmes (chambre civile 2, section A), les juges ont ainsi décidé que « le caractère primordialement consensuel de la rupture conventionnelle du contrat de travail exclut la mise en œuvre de la garantie d’assurance perte d’emploi qui suppose une perte d’emploi subie par le salarié consécutive à un licenciement, seul cas de mise en œuvre de la garantie prévue par le contrat« .

Cet arrêt, non publié sur les sites officiels accessibles au public est reproduit, ci-après, in extenso :

« Dans le cadre d’un contrat de prêt immobilier d’un montant de 152.159 euro contracté par M. Henri L. et son épouse auprès du crédit foncier le 12 août 2003, M. L. a adhéré au contrat d’assurance groupe souscrit par le prêteur auprès de la CNP assurances, couvrant les risques suivants : décès, perte totale et irréversible d’autonomie, incapacité totale de travail et perte d’emploi.
 
Le 10 décembre 2008, M. L. a perdu son emploi dans le cadre d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail.
 
Par courrier du 20 novembre 2009 la compagnie d’assurances informait M. L.de son refus de prise en charge des mensualités du prix au titre de la garantie perte d’emploi.
 
Saisi par M. Henri L. et Mme Christine R. épouse L., par jugement du 14 décembre 2010, le tribunal d’instance de Nîmes a statué comme suit :
 
-dit que la garantie perte d’emploi figurant au contrat d’assurance du 27 août 2003 doit être appliquée par la défenderesse,
 
-condamne la CNP assurances à payer au requérant la somme de 4.931,12 euros au titre du remboursement des échéances du prêt immobilier du mois d’août 2009 au mois de février 2010 et 3.000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et ce, avec exécution provisoire.
 
Le 5 janvier 2011 la SA CNP assurances a interjeté appel de ce jugement.
 
Dans ses dernières conclusions en date du 19 juillet 2011, auxquelles il est expressément référé elle soutient que la rupture conventionnelle du contrat de travail ne rentre pas dans le cadre de la garantie perte d’emploi ni dans les conditions de cette même garantie. Elle demande à la cour de réformer le jugement attaqué et statuant à nouveau de :
 
– A titre principal, dire et juger que la perte d’emploi résultant de la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. L. ne permet pas la mise en œuvre de la garantie litigieuse,
 
– à titre subsidiaire, dire et juger que la rupture conventionnelle du contrat de travail ne peut donner lieu à prise en charge compte tenu de la clause d’exclusion et de la définition de la garantie,
 
-à titre infiniment subsidiaire, dire n’y avoir lieu à prise en charge faute pour M. L. de remplir les conditions de la garantie,
 
-par conséquent réformer la décision en ce qu’elle a condamné la CNP assurances à payer aux appelants la somme de 3.000 euro pour résistance abusive.
 
Dans leurs dernières conclusions du 13 avril 2011, auxquelles il est expressément référé, les époux L. font valoir que M. L. a perdu son emploi à la suite de la décision de son employeur, la rupture conventionnelle ne concernant que les conséquences de la rupture du contrat travail et non ses causes. Ils concluent à la confirmation du jugement référé, sauf à porter la condamnation à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive à 5.000 euro et sollicitent le paiement de la somme de 2.000 euro sur le fondement de l’ article 700 du code de procédure civile .
 
MOTIFS DE LA DÉCISION
 
La notice d’information sur le contrat d’assurance souscrit par Entenial auprès de la CNP assurances annexée au contrat de prêt immobilier signé par les époux L. le 28 août 2003 prévoit que la garantie perte d’emploi est due lorsque les conditions suivantes sont réunies :
 
‘- vous étiez en contrat de travail à durée indéterminée,
 
– vous êtes licencié,
 
– vous bénéficiez du revenu de remplacement’ par les ASSEDIC’.
 
En l’espèce il est constant que M. L., signataire d’un contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er juin 2008, a signé avec son employeur le 10 décembre 2008 une convention de rupture du contrat de travail à effet du 11 février 2009.
 
Ce mode de rupture du contrat de travail prévu par les 1237-11 et suivants du travail résulte de la loi du 25 juin 2008 .
 
Le texte susvisé dispose que ‘l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement et de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties’.
 
Ladite convention est susceptible de rétractation dans le délai de 15 jours et sa validité est soumise à l’homologation de l’autorité administrative.
 
Il est rappelé que tout contrat d’assurance a pour objet de garantir un risque susceptible de survenir indépendant de la volonté des parties. La garantie perte d’emploi a pour objet de garantir l’aléa résultant de la perte d’emploi pour le salarié. Or, la rupture conventionnelle du contrat de travail ne résulte pas de la seule décision de l’employeur comme c’est le cas dans un licenciement, mais suppose un accord de l’employeur et du salarié.
 
Il ne peut être valablement soutenu que la rupture du contrat de travail ne résulte pas d’un accord négocié mais de l’homologation par l’autorité administrative, alors que le contrôle de l’administration a pour but de s’assurer du respect des conditions légales : liberté des consentements, respect des règles relatives à l’assistance des parties, au droit de rétraction ou au montant minimal de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et non de remettre en cause l’accord sur le principe de la rupture, d’autant que l’homologation peut être tacite.
 
Ce dispositif n’existait pas à la date de la signature du contrat d’assurance litigieux et ne peut donc figurer dans les clauses d’exclusion de la garantie, certes limitatives. Cependant, il est prévu que la garantie n’est pas due en cas de rupture du contrat de travail résultant d’un accord négocié avec l’employeur.
 
Dans ces conditions, le caractère primordialement consensuel de la rupture conventionnelle du contrat de travail exclut la mise en œuvre de la garantie d’assurance perte d’emploi qui suppose une perte d’emploi subie par le salarié consécutive à un licenciement, seul cas de mise en œuvre de la garantie prévue par le contrat.
 
En conséquence, le jugement entrepris sera réformé dans l’ensemble de ses dispositions.
 
Les intimés qui succombent supporteront les dépens.
 

PAR CES MOTIFS

 
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe, en matière civile et en dernier ressort,
 
Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
 
Statuant à nouveau,
 
Déboute M. Henri L. et Mme Christine R. épouse L.de l’ensemble de leurs demandes,
 
Les condamne aux dépens de première instance et d’appel, ceux d’appel distraits au profit de la SCP GUIZARD SERVAIS, avoués, conformément aux dispositions de l’ article 699 du code de procédure civile .

  •  Comment savoir si la garantie perte d’emploi de son contrat d’assurance fonctionne en cas de rupture conventionnelle ?

Cela dépend déjà de la date à laquelle a été élaboré le contrat d’assurance : avant ou après la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail ?

Dans une réponse ministérielle, il a été précisé que « la tarification des contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la loi portant modernisation du marché du travail a été élaborée hors cette possibilité de rupture conventionnelle du contrat de travail. Il n’est donc pas possible d’étendre rétroactivement le champ des garanties perte d’emploi comprises dans les anciens contrats (Réponse ministérielle n°74357 publiée le 9/11/2010 au Journal Officiel  page 12239). Voir également l’article publié le 3 septembre 2012 sur le Blog pratique du droit du travail: « rupture conventionnelle : vérifiez si votre assurance perte d’emploi vous garantit ».

Pour les contrats conclus après l’entrée en vigueur de la loi de modernisation du marché du travail, il convient de vérifier la rédaction des clauses:

– si, comme dans la décision précitée, la clause prévoit que la garantie n’est pas due en cas de rupture du contrat de travail résultant d’un accord négocié avec l’employeur, cela signifie que la rupture conventionnelle a été expressément exclue des garanties et  l’assuré ne peut donc pas bénéficier de l’assurance perte d’emploi en cas de rupture conventionnelle;

– mais si, en revanche, la clause prévoit que la garantie est due lorsqu’il y a perte d’emploi et indemnisation par Pôle emploi  sans autre précision, l’assuré doit en principe bénéficier de l’assurance perte d’emploi si son contrat est rompu dans le cadre d’une rupture conventionnelle.

Conseil: le salarié qui bénéficie d’une assurance perte d’emploi pour le remboursement de son emprunt immobilier doit vérifier ce que prévoit son contrat d’assurance avant d’accepter une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Pour mémoire, le nombre de ruptures conventionnelles homologuées par la direction du travail depuis 2008 s’élève à 1 176 693 au 30 avril 2013 (source: données mensuelles sur les ruptures conventionnelles (avril 2013) publiées par la DARES).

L’auteure de cet article

Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.

Si vous souhaitez une réponse documentée ou un conseil, vous pouvez demander une consultation en ligne avec Maître Lailler ici.

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