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Un salarié peut-il travailler pour son employeur pendant son arrêt maladie ?

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La maladie suspend l’exécution du contrat de travail : c’est ce qu’a rappelé la cour de cassation dans un arrêt du 24 octobre 1990.

Le salarié est par conséquent dispensé de son obligation de fournir sa prestation de travail et ne peut être tenu, durant cette période, de travailler pour son employeur (Cass. soc 15 juin 1999 n°de pourvoi 96-44772).

Dans l’affaire qui avait donné lieu à l’arrêt du 15 juin 1990, la salariée malade avait été licenciée pour le motif suivant:  L’employeur lui reprochait d’avoir  manqué à son obligation de loyauté en refusant, pendant son congé maladie, de communiquer, sans motif légitime, des informations utiles à la bonne marche de l’entreprise et d’avoir coupé catégoriquement toute possibilité de contact avec ses collègues.

L’employeur avançait que les obligations de loyauté et de bonne foi sont inhérentes à l’existence du contrat de travail et survivent à sa suspension consécutive à une maladie ou à un accident

La cour d’appel de Colmar avait au contraire jugé que le licenciement de la salariée  ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse car si la suspension du contrat de travail provoquée par la maladie ou l’accident ne supprime pas l’obligation de loyauté du salarié à l’égard de l’employeur, la salariée, dispensée de son obligation de fournir sa prestation de travail, ne pouvait être tenue, durant cette période, de poursuivre une collaboration avec l’employeur.

Si, comme le précise cet arrêt, un salarié n’est pas tenu de travailler pour son employeur pendant son arrêt de travail, l’employeur peut-il en revanche le laisser travailler s’il souhaite apporter un concours ponctuel et bénévole ?

Dans ce cas, l’employeur commet une faute, vient de répondre la Cour de cassation dans un arrêt du 21 novembre 2012.

Les faits étaient les suivants: une attachée commerciale, victime d’un accident du travail, avait été arrêtée pendant trois années, interrompues par une courte reprise de travail. Lors de ses arrêts de travail, la salariée avait travaillé pour son  employeur. Informée de cette situation, la caisse maladie avait demandé à l’attachée commerciale de rembourser les indemnités journalières indument perçues pendant cette période, à hauteur de 28 498,23 euros.

Condamnée à rembourser la CPAM, l’attachée commerciale saisit le Conseil de prud’hommes et demande la condamnation de son employeur à lui verser des dommages-intérêts d’un montant équivalent à ce qu’elle a dû rembourser à la Caisse. Elle invoque les dispositions du code du travail qui répriment le travail dissimulé (article L 324-11-1  ancien du code du travail devenu l’article L8223-1).

L’article L8221-5 du code du travail précise en effet:

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

De fait, si la salariée travaillait pendant son arrêt de travail, elle n’avait pas été rémunérée par l’employeur. Dès lors, celui-ci pouvait se voir opposer les dispositions du code du travail relatives au travail dissimulé.

  • Dans cette affaire, les positions de la salariée et de son employeur étaient contradictoires: 

L’attachée commerciale soutenait qu’elle avait été contrainte de suivre les dossiers en cours et que, compte tenu de son âge à l’époque, 55 ans, et de sa situation de femme divorcée assumant seule les dépenses de la vie courante, elle ne pouvait refuser sa collaboration à l’employeur.

L’employeur soutenait au contraire qu’elle avait agi de son propre chef, bénévolement, par conscience professionnelle.

  • La salariée obtenait gain de cause devant le Conseil de prud’hommes et l’employeur était condamné à lui verser la somme réclamée.

L’employeur faisait appel de cette décision et l’affaire était entièrement rejugé par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.

  • La Cour, à l’inverse du Conseil de Prud’hommes, va rejeter les demandes de la salariée.

Elle relève que « nul document ne permet d’établir l’existence d’une contrainte exercée sur celle-ci qui avait toujours affirmé qu’elle prêtait son concours ponctuellement et bénévolement, par conscience professionnelle aiguë, de sorte qu’elle ne pouvait répercuter les conséquences de sa faute personnelle sur l’employeur« .

Tout en déplorant que l’employeur ait toléré la présence de la salariée dans ses locaux durant son arrêt de travail, la Cour relève notamment que :

– la salariée avait été entendue par un agent de contrôle assermenté de la CPAM et qu’elle n’avait jamais déclaré avoir agi sous la contrainte de son employeur en venant prêter main forte à sa collègue de travail;

– nul document ne permettait de retenir l’existence de cette contrainte;

– la salariée avait toujours affirmé qu’elle prêtait son concours ponctuellement et bénévolement;

– qu’en agissant ainsi de sa propre impulsion, en personne responsable, Mme X., qui n’ignorait pas qu’elle devait se reposer au lieu de travailler, ne peut répercuter les conséquences de sa vie personnelle sur son contractant [son employeur];

– que le jugement du conseil de prud’hommes devait donc être infirmé en ce qu’il reconnaissait à Mme X. un « statut de victime ».

  • La salariée forme alors un pourvoi devant la Cour de cassation. Elle observe que  dans la mesure où la Cour d’appel avait constaté que l’employeur avait toléré sa présence dans ses locaux durant son arrêt de travail et que celle-ci y travaillait au lieu de se reposer, la Cour aurait dû en tirer la conséquence qui s’imposait: l’employeur avait commis une faute caractérisée.
  • La Cour de cassation va reprendre l’argumentation de la salariée et casser l’arrêt de la Cour d’appel:  dès lors qu’elle constatait que l’employeur avait laissé la salariée travailler en période de suspension du contrat de travail, d’abord pour cause d’accident du travail, ensuite pour cause de maladie, il lui appartenait de tirer les conséquences de cette suspension.

Il est important de préciser que la Cour de cassation a rendu son arrêt, non pas au visa des articles du code du travail réprimant le travail dissimulé, mais au visa de l‘article 1147 du code civil relatif aux dommages intérêts dus en cas d’inexécution d’une obligation: « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

Ce qu’il faut retenir: l’employeur qui laisse son salarié travailler pendant un arrêt de travail le fait à ses risques et périls: il s’expose non seulement à devoir indemniser le salarié si celui-ci est condamné à restituer à la caisse d’assurance maladie les prestations indues; il s’expose également à devoir verser au salarié les rémunérations correspondant à sa prestation de travail ainsi que les cotisations afférentes aux caisses; il s’expose enfin à une condamnation sur le fondement du travail dissimulé (indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire – art. L8223-1 du code du travail) ainsi qu’au risque d’une condamnation pour faute inexcusable si l’état de santé du salarié se trouve altéré par cette activité professionnelle effectuée pendant son arrêt de travail au cours duquel il aurait dû normalement se reposer.

Nota bene : L’employeur commet une faute lorsqu’il laisse son salarié travailler pendant son arrêt de travail et s’expose à devoir lui verser des dommages et intérêts. En revanche, le salarié ne manque pas à son obligation de loyauté envers l’employeur lorsqu’il exerce une activité pendant son arrêt de travail dès lors que cette activité ne porte pas  préjudice à son employeur. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans le cas d’espèce suivant: un chauffeur avait été licencié pour faute grave (manquement à l’obligation de loyauté) au motif qu’il  travaillait pour son compte sur les marchés pendant son arrêt de travail  (Cass. soc 12 octobre 2011 n°de pourvoi 10-16649).

L’auteure de cet article

Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.

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