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Travailleurs saisonniers : mieux connaître ses droits (actualisation)

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travailagricole1Que faut-il entendre par activités saisonnières et emplois saisonniers ?

L’emploi saisonnier est défini par l’article L1242-2 3° du code du travail comme l’emploi pour lequel il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de cet emploi.

Le caractère saisonnier concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs (Accord national interprofessionnel du 24 mars 1990, page 3, qui dresse, en annexe, la liste des secteurs pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée) et qui sont effectués pour le compte d’une entreprise dont l’activité obéit aux mêmes variations (circulaire DRT n° 18/90 du 30 octobre 1990 qui reprend sur ce point les circulaires précédentes).
  • Illustrations:

Il a été jugé que les contrats conclus par la Société nouvelle d’exploitation de la Tour Eiffel avec des salariés employés pour tenir les caisses les cinq ou six mois de l’année pendant lesquels la Tour Eiffel reçoit le plus grand nombre de visiteurs ont un caractère saisonnier; l’activité touristique de l’employeur étant caractérisée par un accroissement du nombre de visiteurs, chaque année, à des dates à peu près fixes (Cass. soc. 12 octobre 1999 n°97-40915).

Dans une deuxième affaire, la cour d’appel de DOUAI a rejeté une demande de requalification de contrats de travail temporaire à caractère saisonnier en contrat de travail à durée indéterminée présentée par des salariés mis à la disposition de la société Brasserie Heineken par la société de travail temporaire Adecco pour effectuer différentes missions entre le 4 mars 1991 et le 15 octobre 1999, en raison du remplacement de salariés absents, d’accroissement temporaire de l’activité et du caractère saisonnier de l’activité.La cour d’appel a retenu, d’une part, que l’activité de brasserie présentait un caractère saisonnier en ce qu’elle était sujette à des variations liées à la consommation de la bière, aux politiques de la grande distribution amplifiées par les effets de la climatologie, et d’autre part, que, selon l’emploi dans la chaîne de production ou de distribution occupé par le travailleur intérimaire, la période de la saison variait et était fonction des effets des conditions climatiques, de sorte que l’employeur avait pu avoir recours à des contrats saisonniers à des dates différentes, et ce tout à fait régulièrement ;  la cour de cassation a cependant cassé cette décision, estimant que la cour d’appel n’avait pas précisé la nature et la date des emplois ayant donné lieu à la conclusion des contrats saisonniers, et que la Cour de cassation n’était donc pas en mesure d’exercer son contrôle (Cass. soc. 9 mars 2005 n°02-44706).

Dans une troisième affaire, jugée par la Cour d’appel de Caen, un salarié avait été engagé par une société de transports selon deux contrats de travail à durée déterminée, en qualité de « chauffeur saisonnier », pour effectuer des transports du 1er avril jusqu’au 5 décembre 2003, depuis une carrière située à Boitron , puis du 11 mars au 30 novembre 2004, depuis celle de Chailloué ; le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la requalification de la seconde convention en contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation de l’employeur au paiement de diverses sommes.La cour d’appel a donné raison au salarié estimant, d’une part, que la société de transports était une entreprise de transports routiers dont l’activité s’exerçait toute l’année et, d’autre part, qu’aucun élément n’était produit pour établir que les carrières visées dans les contrats de travail auraient eu une activité saisonnière, la circonstance que les chantiers de travaux publics sont soumis aux conditions climatiques, étant insuffisante pour démontrer que l’emploi de chauffeur de carrière serait une tâche appelée à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectif (Cass. soc.17 septembre 2008 n°07-42463).

Les variations d’activité doivent être indépendantes de la volonté des parties.

C’est ce qui distingue le travail saisonnier de l’accroissement temporaire d’activité (article L1242-2 2°) pour lequel un contrat de travail à durée déterminée peut également être conclu dans certains cas : augmentation temporaire de l’activité habituelle de l’entreprise, exécution d’une tâche occasionnelle, commande exceptionnelle à l’exportation.

  • Quels sont les secteurs qui emploient des saisonniers ?

La circulaire DRT n°92-14 du 29 août 1992 a précisé que « les secteurs d’activités à variation saisonnière sont essentiellement l’agriculture, les industries agroalimentaires et le tourisme.

Mais cette liste n’est nullement limitative: d’autres secteurs d’activité peuvent offrir des emplois à caractère saisonnier : une salariée embauchée en qualité d’hôtesse-interprète aux Galeries Lafayette (Cour de cassation, chambre sociale, 10 janvier 1991 n°87-40059) mais il faut qu’il y ait un lien entre les tâches occupées par le salarié et l’activité saisonnière de l’entreprise. Ainsi, l’affectation d’un salarié « à des tâches multiples, diverses, sans corrélation avec le rythme des saisons », ou à des tâches « accomplies à toutes époques de l’année » ne saurait s’opérer au moyen de contrats saisonniers; de même l’embauche pour des périodes ne coïncidant pas avec une ou plusieurs saisons exclut le recours à de tels contrats (Cour de cassation, chambre sociale 21 janvier 1987 n°85-41941).

Dans les secteurs de l’agriculture et des industries agroalimentaires, il s’agit surtout de la culture, de la récolte, le cas échéant du conditionnement de différents produits et pour l’agroalimentaire de la fabrication et distribution de denrées.

Dans le secteur du tourisme, il s’agit d’activités qui concourent au déroulement d’une saison touristique, des vacances, c’est-à-dire aussi bien des activités dont l’exercice est étroitement lié aux saisons (par exemple moniteur de ski ou de planche à voile) que des activités qui sont simplement accrues du fait de la saison (par exemple magasin d’articles de sport dans une station de montagne, commerce d’alimentation voire hypermarché situé en moyenne montagne ou en zone côtière, entreprise de transport de personnes).

  • Le contrat saisonnier peut, dans certains cas, créer une relation de travail à durée indéterminée entre les parties, notamment lorsque le contrat comporte une clause de reconduction

Il convient de distinguer deux situations différentes :

1°) le contrat ne contient aucune clause de reconduction mais, chaque année, un contrat saisonnier nouveau est signé : la cour de cassation a jugé que « la faculté pour un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n’est assortie d’aucune limite, au-delà de laquelle s’instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée » (Cass. soc. 15 octobre 2002 n°00-41759 ; Cass. soc. 16 novembre 2004 n°02-46777).

2°) le contrat contient une clause de reconduction pour la saison de l’année suivante : dans ce cas, le renouvellement du contrat crée entre les parties une relation de travail à durée indéterminée (Cass. soc. 15 octobre 2002 n°00-41759).

De la même manière, lorsque le salarié est employé chaque année pendant toute la période d’ouverture d’une entreprise qui ne fonctionne qu’une partie de l’année, il y a également relation de travail à durée indéterminée (Cass. soc. 22 janvier 1991 n°87-45139 ; Cass. soc. 13 décembre 1995 n°92-42713 ; Cass. soc. 15 octobre 2002 n°00-41759).

  • Une convention ou un accord collectif peut prévoir une clause de réemploi.

L’article L1244-2 alinéa 2 du code du travail précise: « Une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier lui propose, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante. La convention ou l’accord en définit les conditions, notamment la période d’essai, et prévoit en particulier dans quel délai cette proposition est faite au salarié avant le début de la saison ainsi que le montant minimum de l’indemnité perçue par le salarié s’il n’a pas reçu de proposition de réemploi« .

Dans une affaire jugée récemment par la cour de cassation, s’est posée la question suivante :  une telle clause dite de « réemploi », prévue par une convention ou un accord collectif de travail, produit-elle les mêmes effets qu’une clause contractuelle de reconduction automatique ou bien s’agit-il d’une simple priorité d’embauche pour l’année suivante ?

Les faits étaient les suivants : plusieurs salariés employés pour la récolte des cannes à sucre à l’île de la Réunion dans le cadre de contrats saisonniers avaient saisi la juridiction prud’homale. Ils demandaient la requalification en contrat à durée indéterminée des contrats saisonniers à durée déterminée conclus depuis plusieurs années consécutives lors des campagnes sucrières avec le Centre technique interprofessionnel de la canne et du sucre (CTICS) de la Réunion, ainsi que de demandes d’indemnités liées à la rupture, à la suite de l’information qui leur avait été donnée selon laquelle ils ne seraient plus sollicités pour participer en qualité d’ « opérateurs » saisonniers à la campagne sucrière de l’année en cours.

La décision du CTICS de la Réunion était fondée sur l’article 10 de la convention d’établissement qui prévoit, en application de l’article L. 1244-2 du code du travail, qu’avant chaque campagne, et donc en priorité avant tout recrutement auprès de l’ANPE ou par voie de presse, le saisonnier employé l’année précédente est consulté individuellement sur son souhait de reprendre son poste et il est informé du non renouvellement de son contrat pour la campagne suivante s’il n’a pas donné satisfaction quant au respect du protocole du CTICS, à l’assiduité, la discipline, la conscience professionnelle, ou au respect des consignes d’hygiène et de sécurité.

Les salariés estimaient que le refus de renouvellement d’un nouveau contrat formulé sans référence à un quelconque motif d’insatisfaction, au détriment d’un opérateur saisonnier embauché à durée déterminée et reconduit d’année en année équivalait de la part de l’employeur à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel de Saint Denis de la Réunion avait fait droit à leurs demandes. Elle avait jugé qu' »il résultait des dispositions de l’article 10 de l’accord d’établissement du CTICS de la Réunion que les contrats successifs conclus avec les saisonniers constituaient un ensemble à durée indéterminée, même si chaque période de travail est garantie pour la saison, dont la rupture était soumise à l’exigence d’un des motifs, nécessairement réel et sérieux au sens de l’article L. 1244-2 précité, spécialement envisagés par la convention d’établissement« .

Le CTICS avait par conséquent été condamné à leur payer une indemnité de requalification, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des indemnités de rupture.

Par décision du 8 juillet 2015, la Cour de cassation a cassé cette décision.  Elle a estimé que « la clause de l’accord collectif qui prévoit que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier doit lui proposer, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante, a seulement pour effet d’imposer à l’employeur une priorité d’emploi en faveur du salarié, et ne peut être assimilée à la clause contractuelle prévoyant la reconduction automatique du contrat de travail pour la saison suivante et n’a pas, en toute hypothèse, pour effet de transformer la relation de travail à durée déterminée en une relation à durée indéterminée ».

Par exemple:

La conclusion d’un contrat de travail à caractère saisonnier ouvre le droit de faire inscrire ses enfants dans une école de la commune de son lieu de résidence temporaire ou de travail (article L131-5 du code de l’éducation);

Il est fait cumul des durées des contrats de travail à caractère saisonnier successifs dans une même entreprise pour le calcul de l’ancienneté (article L122-3-15 du code du travail);

Le salarié dont le contrat de travail à caractère saisonnier s’achève peut demander à son employeur la conversion de ses droits à repos compensateur en indemnité afin de ne pas faire obstacle à un autre emploi ou au suivi d’une formation (article L212-5-1 du code du travail et article L713-9 du code rural).

Voir également l’article le travailleur saisonnier en 10 questions publié sur le Blog pratique du droit du travail.

L’auteure de cet article

Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.

Si vous souhaitez une réponse documentée ou un conseil, vous pouvez demander une consultation en ligne avec Maître Lailler ici.

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