Sanctionner différemment des salariés ne constitue pas en soi une discrimination
C’est ce qu’a jugé la cour de cassation dans une décision du 24 septembre 2013.
Les faits étaient les suivants:
Plusieurs conducteurs de bus avait invoqué leur droit de retrait suite à une agression et l’incendie d’un car, survenus un 16 juin sur une ligne de bus, au sud de la banlieue de Lyon.
A plusieurs reprises, l’employeur leur avait demandé de reprendre leur travail à une date butoir, invoquant des mesures prises pour assurer leur sécurité, mais les salariés avaient refusé, certains ayant toutefois manifesté leur intention de reprendre le travail.
Tenant compte, semble-t-il, du comportement de chacun, l’employeur avait infligé à certains un avertissement, à d’autres une mise à pied disciplinaire, et avait licencié trois salariés pour faute grave.
Les conducteurs avaient saisi la juridiction prud’homale, puis la Cour d’appel, estimant être victimes d’une discrimination.
Ils prétendaient notamment que les décisions de l’employeur étaient arbitraires et que celui-ci avait eu la volonté de « casser » un mouvement de défense des conditions de travail ; ils ajoutaient qu’aucun élément d’explication des différences de traitement n’avait jamais été avancé.
La Cour d’appel de Lyon ne fait pas droit à leurs demandes. Elle estime qu’ « à compter du 28 juin 2007 les salariés n’avaient plus de motif raisonnable de penser que leur situation de travail présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé »; »l’absence irrégulière imputée aux quatre salariés licenciés est établie ; dès lors que les conditions de l’exercice du droit de retrait n’étaient plus remplies, le refus persistant des intimés de rejoindre leur poste, en dépit des incitations et mises en garde, rendait impossible leur maintien dans l’entreprise et constituait, de la part de chacun d’eux, une faute grave ».
Sur la différence de traitement alléguée, la Cour précise qu’il n’existe en matière disciplinaire aucun principe général d’égalité de traitement interdisant à l’employeur de sanctionner différemment des salariés ayant commis la même faute (…) qu’il semble que ce dernier ait pris en considération l’intention de reprendre le travail de certains salariés ».
La Cour déboute par conséquent les salariés de leurs demandes d’annulation d’avertissement et de dommages et intérêts pour préjudice moral et dit que les licenciements des trois autre salariés reposent sur une faute grave.
La Cour retient par ailleurs que les les salariés ne présentent aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination
Un pourvoi est formé par les salariés.
La Cour de cassation va toutefois approuver la décision des juges de la Cour d’appel.
Sur le premier moyen invoqué par les salariés, elle précise: « ayant retenu qu’à compter du 28 juin 2007 les salariés n’avaient pas de motif raisonnable de penser que la situation de travail dans laquelle ils se trouvaient présentait un danger grave ou imminent pour leur vie ou pour leur santé et ayant constaté qu’après cette date ils ont persisté dans leur refus de reprendre le travail malgré des mises en garde de l’employeur, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, a pu décider que ce comportement rendait impossible leur maintien dans l’entreprise et constituait une faute grave« .
Sur le moyen relatif à la discrimination, la Cour de cassation précise que « le fait de sanctionner différemment des salariés ne constitue pas en soi une discrimination, dès lors que le salarié n’invoque ni détournement de pouvoir ni discrimination au sens de l’article L. 1132-1 du code du travail », ce qui était le cas en l’espèce puisque les salariés n’invoquaient aucune cause de détournement de pouvoir ni de discrimination.
Ce qu’il faut retenir: un employeur peut sanctionner différemment des salariés pour des faits identiques en tenant compte, le cas échéant du comportement de chacun; cela ne constitue pas en soi une discrimination.
Si un salarié estime qu’il y a discrimination, il doit invoquer une cause de détournement de pouvoir ou de discrimination prévue par l’article L1132-1 du code du travail (l’origine, le sexe, les mœurs, l’orientation sexuelle, l’âge, la situation de famille ou la grossesse, les caractéristiques génétiques, l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l’apparence physique, le patronyme, l’état de santé ou le handicap éventuel).
Et s’il s’avère que la différence de sanction est liée à une cause de discrimination, alors la sanction peut être annulée sur le fondement de l’article L1132-4 du code du travail et l’employeur condamné à indemniser les salariés pour le préjudice qu’ils ont subi.
Sources:
Cour d’appel de Lyon, 7 novembre 2011, n°10/07120
Cour de cassation, chambre sociale, 24 septembre 2013, n°de pourvoi 12-11532
Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.
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