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Peut-on être licencié pour refus de vaccination contre la Covid 19 ?

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Vaccination obligatoire covid 19
Vaccination Covid 19

Lors de son allocution du 12 juillet dernier, le Président de la République a fait un certain nombre d’annonces :

 » La vaccination sera rendue obligatoire pour les personnels soignants et non-soignants des hôpitaux, des cliniques, des maisons de retraite, des établissements pour personnes en situation de handicap, pour tous les professionnels ou bénévoles qui travaillent au contact des personnes âgées ou fragiles, y compris à domicile.  

À partir du 15 septembre, des contrôles seront opérés, et des sanctions seront prises.

En complément de la vaccination, de nouvelles mesures vont être mises en place pour freiner le virus :

➜ Dès cette semaine, les contrôles aux frontières seront renforcés.

➜ Dès le 21 juillet, le pass sanitaire sera étendu aux lieux de loisirs et de culture.

➜ À partir du mois d’août, le pass sanitaire s’appliquera dans les cafés, les restaurants, les centres commerciaux, ainsi que dans les hôpitaux, les maisons de retraites, les établissements médico-sociaux et dans les transports de longue distance  » (extraits du site de l’Elysée).

La vaccination devient obligatoire pour un certain nombre de travailleurs

Il s’agit des personnels soignants et non-soignants des hôpitaux, des cliniques, des maisons de retraite, des établissements pour personnes en situation de handicap, et pour tous les professionnels ou bénévoles qui travaillent au contact des personnes âgées ou fragiles, y compris à domicile.

Il est précisé que des contrôles seront effectués à compter du 15 septembre et que des sanctions seront prises.

Il convient d’attendre les précisions qui seront données sur ces sanctions.

Et qu’en est-il pour les salariés qui travaillent dans des lieux où le pass sanitaire s’appliquera à compter du mois d’août.

Il s’agit des salariés qui sont employés dans les cafés, les restaurants, les centres commerciaux, ainsi que dans les hôpitaux, les maisons de retraites, les établissements médico-sociaux et dans les transports de longue distance.

Comment imaginer en effet que dans ces lieux où sera exigé un pass sanitaire, les salariés qui y travaillent ne soient pas, à terme, astreints à la même obligation ?

Certes, mardi 13 juillet, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal annonce de la «souplesse» dans l’application du pass sanitaire pour le personnel des restaurants, cafés et centres commerciaux.

«Un certain nombre» de ces salariés «n’ont pas encore leur schéma vaccinal complet et là aussi, nous allons chercher à faire preuve de souplesse dans la manière dont ce pass sanitaire s’appliquera pour ces salariés, a-t-il expliqué à la sortie du conseil des ministres. «S’agissant des salariés des établissements recevant du public-là, nous travaillons avec les autorités sanitaires et très rapidement nous souhaitons pouvoir communiquer sur les modalités d’application», a-t-il ajouté (Source: Les Echos).

Qu’en est-il des salariés qui n’auront pas eu la possibilité, au 1er août, faute de place disponible notamment, de se faire vacciner ? Ou de ceux qui n’auront pas eu leur deux injections dans ce court délai ?

Faute de pouvoir présenter un pass sanitaire à leur employeur, pourront-ils néanmoins travailler ?

On imagine que des aménagements vont avoir lieu et nous pourrons analyser plus en détail les mesures qui seront prises dans les prochains jours.

On peut toutefois s’interroger sur la situation d’un salarié qui refuserait de se faire vacciner alors qu’il y est obligé, ce qui est le cas des personnels soignants et non-soignants des hôpitaux, des cliniques, des maisons de retraite, des établissements pour personnes en situation de handicap, et pour tous les professionnels ou bénévoles qui travaillent au contact des personnes âgées ou fragiles, y compris à domicile.

Le salarié qui refuse de se faire vacciner peut-il être licencié ?

On peut en effet considérer qu’un salarié qui refuse la vaccination alors que celle-ci est obligatoire pour exercer son activité s’expose à un licenciement.

Il existe des précédents.

Dans une décision du 11 juillet 2012, la Cour de cassation a jugé que  » dès lors que la réglementation applicable à l’entreprise impose la vaccination des salariés exerçant des fonctions les imposant au risque d’une certaine maladie, l’intéressé ne peut s’opposer à la prescription de cette vaccination par le médecin du travail en l’absence de contre-indication médicale de nature à justifier son refus. Dans ces conditions, un tel refus constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement » (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 juillet 2012, 10-27.888).

Dans cette affaire, le salarié était employé des pompes funèbres. Or la convention collective des pompes funèbres précise, en son article 211, que les salariés exposés à des risques de contamination doivent se soumettre aux vaccinations obligatoires, ce qui inclue la vaccination contre l’hépatite B.

Le salarié avait refusé cette vaccination au motif que celle-ci l’exposait à un risque de développer une maladie grave (sclérose en plaques) et qu’il était par conséquent en droit de la refuser.

Licencié pour cause réelle et sérieuse en raison de son refus d’être vacciné, il avait saisir la juridiction prud’homale puis la Cour d’appel de Nîmes.

La Cour d’appel a jugé que « le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse : l’employeur était tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de sécurité des salariés et le refus opposé par le salarié de subir une vaccination obligatoire contre l’hépatite B constituait une cause réelle et sérieuse, sans que le salarié puisse opposer des controverses sur les effets secondaires possibles de cette vaccination obligatoire et notamment le risque de développer une sclérose en plaques ».

Ce salarié est licencié parce que, refusant de se faire vacciner, il prend le risque de développer une maladie grave. Or l’employeur tenu d’une obligation de sécurité de résultat ne peut en aucun cas laisser un salarié être exposé à un tel risque.

Il convient de noter que le licenciement validé par les juges est un licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave.

De même, il convient de remarquer que la Cour de cassation n’a pas visé dans sa décision l’obligation de sécurité de l’employeur mais la violation d’une obligation légale que l’on peut qualifier de « police sanitaire »: l’arrêté du 15 mai 1991 visé dans la décision, arrêté qui précise que « toute personne exposée à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite lorsqu’elle exerce une activité professionnelle dans les catégories suivantes d’établissements ou d’organismes publics ou privés de prévention ou de soins (…)« .

La Cour enfin, prend soin de préciser qu’il y avait une « absence de contre-indication médicale de nature à justifier le refus du salarié ».

Peut-on transposer cette jurisprudence à la situation de salariés refusant de se vaccciner contre la Covid 19 ?

Dans la décision du 11 juillet 2012, il existe une nécessité de santé publique : protéger les salariés de la profession de pompes funèbres d’un risque de contamination à l’hépatite B.

Cette même nécessité de santé publique existe pour la contamination par la Covid 19;

L’obligation de vacciner contre l’Hépatite B repose sur une obligation légale.

L’obligation de se vacciner contre la Covid 19 pour certains travailleurs annoncée dans l’allocution présidentielle, sera contenue dans des dispositions légales.

On est bien sur les mêmes fondements.

Si un salarié dont l’activité exige qu’il soit vacciné contre la Covid 19, refuse sans motif de contre-indication médicale, cette vaccination obligatoire, l’employeur pourrait être contraint de licencier les récalcitrants, non sans l’avoir préalablement averti du risque de licenciement auquel il s’expose en maintenant son refus.

Il convient néanmoins d’attendre les précisions du gouvernement qui interviendront prochainement car pour le moment, la communication du Ministre de la Santé, Olivier Véran, et du porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, n’apporte aucune sécurité. Le premier invoquait d’emblée le licenciement tandis que le second nuançait en précisant que  » les sanctions qui seraient appliquées aux récalcitrants iraient de l’avertissement à la mise en demeure, jusqu’au congé sans solde et au licenciement ».

En l’état de ces déclarations imprécises, il y a urgence à attendre que les règles se clarifient !

Peut-on considérer que l’obligation de se vacciner imposée à certains travailleurs porte atteinte à des principes à valeur constitutionnelle, notamment le principe d’inviolabilité et d’intégrité du corps humain ?

Le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur cette question en 2001; Il a considéré que l’obligation de vaccination a pour effet de porter une atteinte limitée aux principes d’inviolabilité et d’intégrité du corps humain, mais qu’elle est mise en œuvre dans le but d’assurer la protection de la santé, qui est un principe à valeur constitutionnelle, et que par conséquent l’obligation de vaccination est proportionnée à cet objectif de proportion de la santé.

On peut se référer au contenu de la décision :

« Considérant que les dispositions des articles L. 3111-1 à L. 3111-11 et des articles L. 3112-1 à L. 3112-5 rendent obligatoires un certain nombre de vaccinations ou donnent la possibilité à l’autorité administrative d’instituer par voie réglementaire de telles obligations ; que si ces dispositions ont pour effet de porter une atteinte limitée aux principes d’inviolabilité et d’intégrité du corps humain invoqués par les requérants, elles sont mises en œuvre dans le but d’assurer la protection de la santé, qui est un principe garanti par le Préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère le Préambule de la Constitution de 1958, et sont proportionnées à cet objectif ; que, dès lors, elles ne méconnaissent pas le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ; que, pour les mêmes raisons, elles ne portent pas une atteinte illégale au principe constitutionnel de la liberté de conscience » (Conseil d’Etat 1 / 2 SSR, du 26 novembre 2001, 222741).

Il convient de rappeler que l’obligation de se vacciner existe déjà dans un certain nombre de cas prévus par la loi

Le code de la santé publique prévoit une vaccination obligatoire pour certains travailleurs :

Article L311-4 du CSP :

Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l’exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe.

Les personnes qui exercent une activité professionnelle dans un laboratoire de biologie médicale doivent être immunisées contre la fièvre typhoïde.

Un arrêté des ministres chargés de la santé et du travail, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les catégories d’établissements et organismes concernés.

Tout élève ou étudiant d’un établissement préparant à l’exercice des professions médicales et des autres professions de santé dont la liste est déterminée par arrêté du ministre chargé de la santé, qui est soumis à l’obligation d’effectuer une part de ses études dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, doit être immunisé contre les maladies mentionnées à l’alinéa premier du présent article.

Les établissements ou organismes employeurs ou, pour les élèves et étudiants, les établissements ayant reçu leur inscription, prennent à leur charge les dépenses entraînées par ces vaccinations.

Les conditions de l’immunisation prévue au présent article sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de la Haute Autorité de santé et compte tenu, en particulier, des contre-indications médicales.

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L’auteure de cet article

Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.

Si vous souhaitez une réponse documentée ou un conseil, vous pouvez demander une consultation en ligne avec Maître Lailler ici.

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