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Formation des salariés: l’employeur s’expose à des dommages-intérêts s’il manque à son obligation de formation

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formation1L’employeur a l’obligation de former les salariés.

L’article L6321-1 du code du travail précise:

L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Dans les entreprises et les groupes d’entreprises au sens de l’article L. 2331-1 employant au moins cinquante salariés, il organise pour chacun de ses salariés dans l’année qui suit leur quarante-cinquième anniversaire un entretien professionnel au cours duquel il informe le salarié notamment sur ses droits en matière d’accès à un bilan d’étape professionnel, à un bilan de compétences ou à une action de professionnalisation.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme.

Les actions de formation mises en œuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l’article L. 6312-1.

  • Dans une décision du 8 juin 2013, la Chambre sociale de la Cour de cassation a précisé qu’un employeur peut être condamné à verser des dommages-intérêts pour violation de l’obligation de formation lorsqu’il est constaté qu’ « en seize ans d’exécution du contrat de travail l’employeur n’avait fait bénéficier le salarié, dans le cadre du plan de formation de l’entreprise, d’aucune formation permettant de maintenir sa capacité à occuper un emploi au regard de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations » (Cass. Soc. 5 juin 2013 n°11-21255).

Les faits étaient les suivants: un salarié employé comme conducteur de lignes était licencié pour motif économique après 16 ans d’ancienneté.

N’ayant bénéficié d’aucune formation pendant toute la durée du contrat de travail, il saisit le Conseil de prud’hommes et demande la condamnation de son employeur à lui verser des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation.

On ne connaît pas la décision des premiers juges, mais uniquement celle de la Cour d’appel de Poitiers qui rejette la demande du salarié. La Cour estime que  l’employeur n’a pas manqué à son obligation de formation: il a recruté ce salarié sans compétence ni expérience au poste d’opérateur de lignes et lui a permis d’acquérir une expérience à ce poste;  par ailleurs, le salarié n’a jamais pris l’initiative d’une formation dans le cadre d’un congé individuel de formation.

La Cour de cassation rejette les motifs de la Cour d’appel : « ces motifs tirés de l’adaptation au poste de travail ou de l’utilisation des congé ou droit individuels de formation sont inopérants »; la Cour de cassation estime que selon l’article L6312-1 du code du travail, « l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations » et renvoie les parties devant la Cour d’appel d’Angers.

Ce n’est pas la première fois que les employeurs sont condamnés pour manquement à l’obligation de formation:

– Cass. Soc. 23 octobre 2007 n°06-40950 : deux salariées travaillant dans le domaine de l’optique-lunetterie de détail, présentes dans l’entreprise depuis respectivement 24 et 12 ans sont licenciées pour motif économique; elles n’avaient bénéficié que d’un stage de formation continue de trois jours en 1999; la cour de cassation précise qu’ « au regard de l’obligation pour l’employeur d’assurer l’adaptation des salariées à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, ces constatations établissaient un manquement de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail entraînant un préjudice distinct de celui résultant de sa rupture« .

– Cass. Soc. 2 mars 2010 n°09-40914 : deux salariés maliens employés en qualité de garçons de cuisine ne s’étaient vus proposer, pendant toute leur carrière, respectivement de 22 ans et 27 ans, aucune formation notamment pour combattre leur illettrisme du fait de leur origine malienne et n’avaient donc pu évoluer au sein de l’entreprise; la cour de cassation précise:   » le fait que les salariés n’avaient bénéficié d’aucune formation professionnelle continue pendant toute la durée de leur emploi dans l’entreprise établit un manquement de l’employeur à son obligation de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, entraînant pour les intéressés un préjudice qu’il appartient au juge d’évaluer« ;

– Cass. Soc. 5 octobre 2011 n°08-42909 : un salarié poseur de voie, présent depuis plus de 25 ans dans l’entreprise est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement; il n’avait reçu aucune formation pendant toute sa carrière et sollicite la condamnation de son employeur à lui verser 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation; pour sa défense, l’employeur expose que le salarié ne lui avait adressé aucune mise en demeure de lui délivrer une formation et ne justifiait d’aucun refus de sa part; mais la Cour de cassation précise que « le fait que les salariés n’aient bénéficié d’aucune formation professionnelle continue pendant toute la durée de leur emploi dans l’entreprise établit un manquement de l’employeur à son obligation de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, entraînant pour les intéressés un préjudice qu’il appartient au juge d’évaluer« . L’arrêt publié ne précise pas le montant de la condamnation mise à la charge de l’employeur.

Ce qu’il faut retenir: la loi fait obligation à l’employeur de former les salariés: il ne lui suffit pas de former les salariés  à leur poste; l’employeur doit également veiller au maintien des capacités du salarié à occuper un emploi,et le former tout au long du contrat de travail, de manière à ce que le salarié soit préparé aux changements technologiques et puisse, le cas échéant, en cas de licenciement, retrouver un emploi. S’il ne le fait pas, il s’expose à devoir verser des dommages-intérêts aux salariés concernés.

L’auteure de cet article

Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.

Si vous souhaitez une réponse documentée ou un conseil, vous pouvez demander une consultation en ligne avec Maître Lailler ici.

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