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1944 : le Conseil national de la résistance adopte un programme visant à instaurer un « ordre social plus juste » à la libération

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couv_cnrLe 15 mars 1944, après plusieurs mois de négociations, le Conseil National de la Résistance (CNR) adopte, à l’unanimité, dans la clandestinité, un programme destiné à préparer la France de l’après-guerre.

« L’une des principales fonctions du CNR était aussi d’être un lieu de débat et de négociation permettant de maintenir la cohérence au sein de l’État clandestin. En cela, le CNR était un véritable symbole d’union nationale » (source: site du 70ème anniversaire de la libération de la France).

Porté dès 1942 par Léon Blum, ce projet de programme commun avait pour objectif d’élaborer une « plate-forme de rénovation de la vie politique de l’après-guerre ».

« Mis en forme par Pierre Villon, un cadre du parti communiste français, le Programme d’action de la Résistance,  qu’on appellera après la Libération « Programme du CNR », résulte d’un compromis. Il présente deux objectifs : « un plan d’action immédiate » et « des mesures à appliquer dès la libération du territoire » (source: site du 70ème anniversaire de la libération de la France).

Ce programme a été, dans un premier temps, dénommé »les jours heureux« , avant d’être rebaptisé « Programme du Conseil National de la Résistance ».

Les rédacteurs du programme le présentaient ainsi:

« Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, la Résistance n’a pas d’autre raison d’être que la lutte quotidienne intensifiée.

Cette mission de combat ne doit pas prendre fin à la Libération. Ce n’est, en effet, qu’en regroupant toutes ses forces autour des aspirations quasi-unanimes de la Nation, que la France retrouvera son équilibre moral et social et redonnera au monde l’image de sa grandeur et la preuve de son unité.

Ainsi, les représentants des organisations de Résistance, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du Conseil National de la Résistance, délibérant en Assemblée plénière le 15 mars 1944, ont-ils décidé de s’unir sur le programme suivant, qui comporte à la fois un plan d’action immédiate contre l’oppresseur et les mesures destinées à instaurer, dès la libération du territoire, un ordre social plus juste ».

  • Quel est le programme du Conseil National de la Résistance, en matière sociale ?

Le CNR préconise les réformes suivantes:

le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’aménagement du régime contractuel du travail ;

 un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;

 la garantie du pouvoir d’achat national par une politique tendant à la stabilité de la monnaie ;

 la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ;

 un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’Etat ;

 la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ;

 l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance contre les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan quinquennal rural ;

 une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ;

 le dédommagement des sinistrés et allocations et pensions pour les victimes de la terreur fasciste.

  • Quelles sont les mesures qui sont prises à la Libération ?

la fondation de la sécurité sociale (ordonnance du 4 octobre 1945), qui a pour vocation d’unifier les caisses d’assurances sociales qui ont été rendues obligatoires 15 ans plus tôt, par les lois de 1928-1930;

la création des comités d’entreprise, le 22 février 1945: dans les entreprises de plus de 50 salariés, ces comités sont élus par les ouvriers, la maîtrise et les cadres; ils gèrent les œuvres sociales et sont informés de la marche et des résultats économiques de l’entreprise;

l’obligation faite aux employeurs d’organiser une surveillance médicale pour leurs salariés (loi du 11 octobre 1946, adoptée sous l’impulsion du professeur Desoille, médecin inspecteur général du travail).

Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 affirme plusieurs principes sociaux jugés « fondamentaux » et « particulièrement nécessaires à notre temps »:

1. Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

2. Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après :

(…)

5. Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.

6. Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.

7. Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.

8. Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.

(…)

10. La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

11. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence

En l’espace de deux ans, la France, guidée par le programme du CNR, a instauré des droits sociaux qui perdurent aujourd’hui :

  • le droit syndical,
  • le droit de grève,
  • le droit à la sécurité sociale
  • le droit à la participation des salariés à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion de l’entreprise.

Pour en savoir plus:

– sur le CNR (Wikipédia)

– sur la rénovation de la République après la Libération (site du 70ème anniversaire de la libération de la France et de la victoire sur le nazisme)

Les Jours Heureux, film de Gilles Perret (2013) sur la formation du CNR et la constitution du programme

L’auteure de cet article

Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.

Si vous souhaitez une réponse documentée ou un conseil, vous pouvez demander une consultation en ligne avec Maître Lailler ici.

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